Manuel pour les étudiants de la Ve année Dossier 2.

Навчальний посібник з аналітичного читання для студентів п’ятого курсу французького відділення / Укл. Г.Ф.Драненко, М.М.Попович. – Чернівці: Рута, 2006. –  108 с.

DOSSIER 2. Marcel Proust (1871-1922)

Introduction
1. Biographie de l’écrivain
Fils d’un professeur de médecine réputé, Valentin Louis Georges Eugène Marcel Proust (10 juillet 1871 – 18 novembre 1922) est né à Paris dans une famille fortunée qui lui assure une vie facile et qui lui permet de fréquenter les salons mondains tout en restant attaché à sa famille et notamment à sa mère qui, lorsqu'elle meurt, lui fait réfléchir aux « intermittences du cœur ».
Après des études au lycée Condorcet, il devance l’appel sous les drapeaux. Rendu à la vie civile, il suit à l’École libre des sciences politiques les cours d’Albert Sorel et de Anatole Leroy-Beaulieu ; à la Sorbonne ceux de Henri Bergson dont l’influence sur son œuvre sera majeure.
Vers 1900, il effectue un voyage à Venise et se consacre à des questions d’esthétique. Il publie plusieurs traductions du critique d’art anglais John Ruskin (1904) dont les conceptions le marqueront.
Parallèlement à des articles relatant la vie mondaine publiés dans les grands journaux (dont Le Figaro), il écrit Jean Santeuil, un grand roman laissé inachevé et qui restera inédit, et publie « Les Plaisirs et les Jours », un recueil d’esquisses.
Après la mort de ses parents, sa santé déjà fragile se détériore davantage (asthme). Il vit reclus et s’épuise au travail. Son œuvre principale, « À la recherche du temps perdu », est publiée entre 1913 et 1927, le premier volume ayant été édité à compte d’auteur chez Grasset même si très rapidement les éditions Gallimard reviennent sur leur refus et acceptent le deuxième volume « À l’ombre des jeunes filles en fleurs » pour lequel il reçoit en 1919 le prix Goncourt. Son homosexualité inavouable dans la société de l'époque est latente dans son œuvre. Il travaille sans relâche à l’écriture des six livres suivants de « À la recherche du temps perdu », jusqu'en 1922. Il meurt épuisé, emporté par une bronchite mal soignée. Marcel Proust est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris.

Questionnaire
Renseignez-vous plus à la vie de Marcel Proust et remplissez la grille :

dates
 à l’âge de
événement
précisions
...
Naissance à ...
dans la famille de ...
1880
9 ans
...
dans le Bois de Boulogne.
1882-1889
11-18
...
à Paris.
1889
18
Publication des articles ...

dans...
1889-1890
18-19
...
à Orléans.
1893,
1895
18,
19
Licences en...
en...
...
1893-
1895
18-19
...
dans les salons...
1896
25
Débuts littéraires
avec...
...,
...
...,
...
Perte du père,
perte de la mère
...
1913-1922
... -....
...
...
...
...
Prix Goncourt pour ...
...
...
...
Mort de Marcel Proust
...

2. Contexte littéraire
Le naturalisme avait été la dernière grande école du roman. Passé 1890, ce n'est plus qu'un encombrement de formules diverses. Le roman hésite tous les ans entre l'autobiographie et l'étude scientifique, les impressions d'une âme délicate et les crudités d'une chronique parlementaire, l'analyse psychologique ou les fictions aimables. De Huysmans à Mirbeau et de Rosny à Jules Renard, on trouve bien une survivance de l'esthétique réaliste, mais leur réalisme se fait spiritualiste, poétique, ou symboliste. À côté du « roman naturiste », il y a le «roman romanesque», et bientôt le « roman collectif», pour peu qu'on s'avise de l'existence d'une psychologie des foules. Si variées que fussent les étiquettes, elles ne parvenaient guère à masquer la permanence des structures. Le roman d’époque, c'est un tableau de mœurs agrémenté d'une historiette.
C'est avec À la recherche du temps perdu que s'opère la métamorphose du genre. Proust en avait pleine conscience: dans une de ses lettres, il déclarait rechercher un éditeur susceptible de faire accepter des lecteurs «un livre qui, à vrai dire, ne ressemble pas du tout au classique roman». Livre nouveau, qui, délaissant la sacro- sainte intrigue, rendait compte de la totalité d'une expérience et qui, libéré de ses carcans, s'ouvrait à tout ce que les romanciers, jusque-là, étaient tentés de négliger, occupés qu'ils étaient à courir vers le dénoue- ment. Ce qui devenait le sujet, c'était «le monde même, dans son tissu de sensations et d'images». En même temps, Proust retrouvait les perspectives d'un vaste roman initiatique: son héros passe par la double expérience du monde et de la passion, avant d'avoir accès à la lumière de la révélation finale. La Recherche était l'histoire d'une vocation, donc le roman d'un roman, l'auteur achevant son livre au moment où, la boucle étant bouclée, le narrateur commence le sien.
Entre le début et la fin, ainsi superposés, qu'y a-t-il, sinon une suite de rencontres à apprécier, de signes à interpréter ? Le roman du XIXe siècle était fondé sur un conflit. Proust abolissait les conflits au profit d'une exigence d'élucidation. De Balzac à Zola, on montrait des héros à la conquête du monde; chez Proust, le monde n'était plus un bien à conquérir, mais une apparence à élucider. Le temps des héritiers était venu; celui des révoltés était différé. De Rastignac à Frédéric Moreau, la volonté de puissance avait décliné; de Frédéric Moreau au narrateur de la Recherche, l'affaiblissement de la convoitise allait de pair avec un renforcement de l'exigence intellectuelle: pour le héros, il s'agit de comprendre, non de posséder, d'assurer son salut, non d'asseoir sa domination.

3. Œuvre de Marcel Proust
Rédigez l’exposé sur ce thème en répondant aux questions suivantes :
  1. Quels artistes (écrivains, peintres, musiciens etc.) ont influencé l’œuvre de M. Proust ?
  2. Quelles sont les particularités de ses premiers écrits (forme littéraire, sujets, style) ?
  3. A l’œuvre  du quel critique d’art se consacre-t-il durant les années 1900-1906 ? Quelles conceptions découlent de cette étude ?
  4. Décrivez le contexte littéraire de ses premiers écrits et expliquez quelle place occupe « A la recherche du temps perdu » dans la littérature française de l’époque ?
  5. Parlez de Proust critique littéraire.
  6. Expliquez le rôle du passé dans son œuvre.
  7. Quelle place y occupe l’observation ?
  8. Le style de Proust : la phrase proustienne. Expliquez son phénomène.
  9. Qu’est-ce qu’une réalité et l’art d’après M. Proust ?

Étude de « A la recherche du temps perdu » (1913-1927)

1. Résumé de l’œuvre
Faites un court résumé de chacun des romans de  « À la recherche du temps perdu » en repérant les schémas narratifs principaux :
  1. Du côté de chez Swann (1913)
  2. À l'ombre des jeunes filles en fleurs (1919)
  3. Le côté de Guermantes I et II (1921-1922)
  4. Sodome et Gomorrhe I et II (1922-1923)
  5. La prisonnière (posthume, 1925)
  6. Albertine disparue (posthume, 1927) (titre original : La Fugitive)
  7. Le Temps retrouvé (posthume, 1927)

2. Structure
Les critiques ont écrit que le roman moderne contemporain commençait avec Marcel Proust. La notion de Temps est centrale chez lui et il en modifie profondément la conception à la fois objective et subjective. De ce point de vue, Proust est le plus important auteur français du XXe siècle et l’ampleur de sa réflexion le fait dialoguer sans intermédiaire avec les plus grands écrivains et philosophes de l’histoire mondiale des idées. En rompant avec la notion d’intrigue, l’écrivain devient celui qui cherche à rendre la vérité de l’âme. La composition de La Recherche en témoigne: les thèmes tournent selon un plan musical et un jeu de correspondances qui s’apparentent à la poésie. Proust voulait saisir la vie en mouvement, sans autre ordre que celui des fluctuations de la mémoire affective. Il nous laisse des portraits uniques, des lieux recréés, une réflexion sur l’amour et la jalousie, une image de la vie, de la déchéance et de l’art. Il nous laisse surtout un style composé de phrases très longues, pareilles à une respiration dans laquelle on « s’embarque ».

3. Thèmes principaux
3.1. Mémoire, enfance, passé 
Dans « À la recherche du temps perdu » Marcel Proust apporte un autre temps-espace. La poétique proustienne est fortement influencée par le vitalisme d’Henri Bergson et sa “philosophie expérimentale de la durée” qui introduit une autre conception du temps, à savoir la distinction entre le temps (entité mécanique) et la durée (entité du vivant). Ainsi chaque être est pourvu de son temps biologique (sa durée) avec sa dynamique propre, son rythme propre, sa mémoire propre. L’homme, selon Bergson est un être dédoublé plongé dans les deux dimensions temporelles: l’une superficielle, celle du temps cartésien (newtonien) - le temps de la quotidienneté; l’autre celle de son identité profonde, de sa durée, dans le subconscient. Un déclic - événement, senteur, impression - permet souvent de pénétrer d’un niveau à l’autre. C’est sur ce terrain que se situe la recherche proustienne.
On entrevoit déjà ce qu’une telle conception apporte sur le plan des catégories narratives. Quant au narrateur, le subjectif et l’objectif tendent à se confondre. Le temps-espace n’aura que les dimensions du sujet narrant circonscrites par l’intimité particulière entre le narrateur (je) et le personnage (Marcel). Le rôle dévolu à la mémoire dont la part rationnelle n’est qu’une partie infime d’un immense iceberg du subconscient. Proust est, en France, le premier grand représentant de l’écriture du flux (courant) de la conscience (stream of consciousnes; cf. Virginia Woolf, James Joyce, Italo Suevo).

TEXTE 3.1.1.  Analyse de l’extrait :
L’édifice immense du souvenir
Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et la drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblaient avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause.
Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle? Que signifiait-elle? Où l’appréhender? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m’apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n’est pas en lui, mais en moi. [...] Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C’est à lui de trouver la vérité. Mais comment? Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher? pas seulement: créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.
Et je recommence à me demander quel pouvait être cet état inconnu, qui n’apportait aucune preuve logique, mais l’évidence de sa félicité, de sa réalité devant laquelle les autres s’évanouissaient. Je veux essayer de le faire réapparaître. Je rétrograde par la pensée au moment où je pris la première cuillerée de thé. Je retrouve le même état, sans une clarté nouvelle. Je demande à mon esprit un effort de plus, de ramener encore une fois la sensation qui s’enfuit. Et pour que rien ne brise l’élan dont il va tâcher de la ressaisir, j’écarte tout obstacle, toute idée étrangère, j’abrite mes oreilles et mon attention contre les bruits de la chambre voisine. Mais sentant mon esprit qui se fatigue sans réussir, je le force au contraire à prendre cette distraction que je lui refusais, à penser à autre chose, à se refaire avant une tentative suprême. Puis une deuxième fois, je fais le vide devant lui, je remets en face de lui la saveur encore récente de cette première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s’élever, quelque chose qu’on aurait désancré, à une grande profondeur; je ne sais ce que c’est, mais cela monte lentement; j’éprouve la résistance et j’entends la rumeur des distances traversées.
Certes, ce qui palpite ainsi au fond de moi, ce doit être l’image, le souvenir visuel, qui, lié à cette saveur, tente de la suivre jusqu’à moi. Mais il se débat trop loin, trop confusément; à peine si je perçois le reflet neutre où se confond l’insaisissable tourbillon des couleurs remuées; mais je ne puis distinguer la forme, lui demander comme au seul interprète possible, de me traduire le témoignage de sa contemporaine, de son inséparable compagne, la saveur, lui demander de m’apprendre de quelle circonstance particulière, de quelle époque du passé il s’agit.
Arrivera-t-il jusqu’à la surface de ma claire conscience, ce souvenir, l’instant ancien que l’attraction d’un instant identique est venue de si loin solliciter, émouvoir, soulever tout au fond de moi? Je ne sais. Maintenant je ne sens plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être; qui sait s’il remontera jamais de sa nuit? Dix fois il me faut recommencer, me pencher vers lui. Et chaque fois la lâcheté qui nous détourne de toute tâche difficile, de toute œuvre important, m’a conseillé de laisser cela, de boire mon thé en pensant simplement à mes ennuis d’aujourd’hui, à mes désirs de demain qui se laissent remâcher sans peine.
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leu image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents; peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé; les formes,—et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience.
Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.
(tiré du roman « Du côté de chez Swann »)

Vocabulaire.    Remplissez la grille  avec les mots du texte :
  • se raviser
  • dodu
  • vicissitude (f)
  • contingent
  • ·      breuvage (m)
  • ·      félicité (f)
  • ·      désagréger
  • ·      expansion(f)
  • ·      souvenir (m)
Mot ou expression
Traduction
Explication
Emploi
Synonymes
Remarques 
madeleine (f)
мадленка
Petit gâteau sucré à pâte molle, de forme ovale, au dessus renflé.
« ...une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine »

(1845; de Madeleine Paulmier, cuisinière) 
À vous...






Exercices de lexique
Trouvez dans le texte les équivalents français des phrases et expressions suivantes :
  • ... ті кругленькі й пухкі тістечка, так звані мадленки, сформовані ніби з допомогою жолобуватих скойок молюсків Сен-Жака.
  • Якесь окремішнє, невмотивоване раювання наринуло на мене.
  • Розум стоїть віч-на-віч перед чимось таким, чого ще немає й що тільки він може збагнути, а потім осяяти.
  • Подумки відступаю назад до тієї миті, коли сьорбнув першу ложечку чаю.
  • ...змітаю всі перепони, всяку сторонню думку, оберігаю свій слух та увагу від шерехів із суміжної кімнати.
  • ...знов вертаю йому ще не видхлий смак першого ковтка й відчуваю, як щось у мені стенається, зрушує з місця, силкується спливти, від’якоритися на глибині...
  • ...образ, зорове враження: пов’язане із смаком мадленки, воно силкується, слідом за ним, випірнути на поверхню.
  • ...жоден з цих спогадів, бозна-коли викинутих з пам’яти, не вдержався голови, всі вони порозсипались...
  • ...серед них тістечка-мушлі, такі пухкі й чуттєві кожною своєю суворою і богочестивою згорточком, відумерли, або, приспані, втратили ту життєздатність, яка допомогла б їм пробитися до свідомості.
  • ...запах і смак, вутліші, але живучіші, менш матеріальні, тривкіші, надійніші, довго ще, як душі померлих, нагадують про себе, чекають, сподіваються – на руїнах усього – і невтомно несуть на собі, ці зникомі піщинки, величезну озію спогаду.

Étude du texte
Lecture méthodique
1. Distinguez les étapes de l’analyse introspective du narrateur.
2. Étudiez la description de la madeleine qui va déclencher le mécanisme du souvenir. Comparez les façons de la décrire au début et à la fin de l’extrait.
3. Quel est le rôle de la sensation physique, de l’intelligence ?
4. Quel est l’effet sur le narrateur de cette résurrection du passé ? Commentez la phrase que le résume.
5. Quel sentiment le narrateur semble-t-il nourrir à l’égard de lui-même ?
Pour le commentaire
1. La tradition symboliste cherche l’essence des choses dans le rêve et le souvenir. Combray symbolise pour le narrateur l’enfance heureuse, l’île refuge, le petit paradis qu’il s’agît de retrouver. Comment cette idée est-elle réalisé dans cet extrait ?
2. Expliquez le principe de la « mémoire involontaire» et son incarnation dans cet extrait.

3.2. Amour, jalousie :
Proust (le narrateur) considère l’amour comme Léonardo de Vinci considère la peinture: une cosa mentale, c’est-à-dire quelque chose qui existe dans l’esprit quel que soit le type d’amour. C’est ainsi que l’on apprend le «caractère purement mental de la réalité». Dans le roman deux grandes passions sont présentes: celle du narrateur envers Albertine et la passion de Swann pour Odette. Toutes les deux ont échoué. L’amour est donc une maladie, une tromperie , une illusion. L’imaginaire amoureux décrit dans le roman est négatif. Son rôle est accessoire pour  l’intrigue. Une des raisons de la souffrance née de l’amour, c’est que nul ne peut posséder un autre être. Albertine demeure «fugitive», insaisissable, étrangère. Ce thème de l’incommunicabilité entre les êtres est particulièrement proustien. Cette barrière entre autre et moi est la conséquence du fait que l’autre n’est pas ce que j’imagine qu’il est. C’est une des sources de la jalousie. Cette jalousie est une soif de possession non entièrement satisfaite, mais c’est surtout une soif de savoir – de tout savoir.

TEXTE 3.2.1.  Analyse de l’extrait :
Odette ou Zéphora ?

Une seconde visite qu’il lui fit eut plus d’importance peut-être. En se rendant chez elle ce jour-là comme chaque fois qu’il devait la voir d’avance, il se la représentait; et la nécessité où il était pour trouver jolie sa figure de limiter aux seules pommettes roses et fraîches, les joues qu’elle avait si souvent jaunes, languissantes, parfois piquées de petits points rouges, l’affligeait comme une preuve que l’idéal est inaccessible et le bonheur médiocre. Il lui apportait une gravure qu’elle désirait voir. Elle était un peu souffrante; elle le reçut en peignoir de crêpe de Chine mauve, ramenant sur sa poitrine, comme un manteau, une étoffe richement brodée. Debout à côté de lui, laissant couler le long de ses joues ses cheveux qu’elle avait dénoués, fléchissant une jambe dans une attitude légèrement dansante pour pouvoir se pencher sans fatigue vers la gravure qu’elle regardait, en inclinant la tête, de ses grands yeux, si fatigués et maussades quand elle ne s’animait pas, elle frappa Swann par sa ressemblance avec cette figure de Zéphora, la fille de Jéthro, qu’on voit dans une fresque de la chapelle Sixtine[1]. Swann avait toujours eu ce goût particulier d’aimer à retrouver dans la peinture des maîtres non pas seulement les caractères généraux de la réalité qui nous entoure, mais ce qui semble au contraire le moins susceptible de généralité, les traits individuels des visages que nous connaissons: ainsi, dans la matière d’un buste du doge Loredan par Antoine Rizzo, la saillie des pommettes, l’obliquité des sourcils, enfin la ressemblance criante de son cocher Rémi; sous les couleurs d’un Ghirlandajo, le nez de M. de Palancy; dans un portrait de Tintoret, l’envahissement du gras de la joue par l’implantation des premiers poils des favoris, la cassure du nez, la pénétration du regard, la congestion des paupières du docteur du Boulbon. Peut-être ayant toujours gardé un remords d’avoir borné sa vie aux relations mondaines, à la conversation, croyait-il trouver une sorte d’indulgent pardon à lui accordé par les grands artistes, dans ce fait qu’ils avaient eux aussi considéré avec plaisir, fait entrer dans leur œuvre, de tels visages qui donnent à celle-ci un singulier certificat de réalité et de vie, une saveur moderne; peut-être aussi s’était-il tellement laissé gagner par la frivolité des gens du monde qu’il éprouvait le besoin de trouver dans une œuvre ancienne ces allusions anticipées et rajeunissantes à des noms propres d’aujourd’hui.
Peut-être au contraire avait-il gardé suffisamment une nature d’artiste pour que ces caractéristiques individuelles lui causassent du plaisir en prenant une signification plus générale, dès qu’il les apercevait déracinées, délivrées, dans la ressemblance d’un portrait plus ancien avec un original qu’il ne représentait pas. Quoi qu’il en soit et peut-être parce que la plénitude d’impressions qu’il avait depuis quelque temps et bien qu’elle lui fût venue plutôt avec l’amour de la musique, avait enrichi même son goût pour la peinture, le plaisir fut plus profond et devait exercer sur Swann une influence durable, qu’il trouva à ce moment-là dans la ressemblance d’Odette avec la Zéphora de ce Sandro di Mariano auquel on ne donne plus volontiers son surnom populaire de Botticelli depuis que celui-ci évoque au lieu de l’œuvre véritable du peintre l’idée banale et fausse qui s’en est vulgarisée. Il n’estima plus le visage d’Odette selon la plus ou moins bonne qualité de ses joues et d’après la douceur purement carnée qu’il supposait devoir leur trouver en les touchant avec ses lèvres si jamais il osait l’embrasser, mais comme un écheveau de lignes subtiles et belles que ses regards dévidèrent, poursuivant la courbe de leur enroulement, rejoignant la cadence de la nuque à l’effusion des cheveux et à la flexion des paupières, comme en un portrait d’elle en lequel son type devenait intelligible et clair.
Il la regardait; un fragment de la fresque apparaissait dans son visage et dans son corps, que dès lors il chercha toujours à y retrouver soit qu’il fût auprès d’Odette, soit qu’il pensât seulement à elle, et bien qu’il ne tînt sans doute au chef-d’œuvre florentin que parce qu’il le retrouvait en elle, pourtant cette ressemblance lui conférait à elle aussi une beauté, la rendait plus précieuse. Swann se reprocha d’avoir méconnu le prix d’un être qui eût paru adorable au grand Sandro, et il se félicita que le plaisir qu’il avait à voir Odette trouvât une justification dans sa propre culture esthétique. Il se dit qu’en associant la pensée d’Odette à ses rêves de bonheur il ne s’était pas résigné à un pis-aller aussi imparfait qu’il l’avait cru jusqu’ici, puisqu’elle contentait en lui ses goûts d’art les plus raffinés. Il oubliait qu’Odette n’était pas plus pour cela une femme selon son désir, puisque précisément son désir avait toujours été orienté dans un sens opposé à ses goûts esthétiques. Le mot d’«œuvre florentine» rendit un grand service à Swann. Il lui permit, comme un titre, de faire pénétrer l’image d’Odette dans un monde de rêves, où elle n’avait pas eu accès jusqu’ici et où elle s’imprégna de noblesse.
Et tandis que la vue purement charnelle qu’il avait eue de cette femme, en renouvelant perpétuellement ses doutes sur la qualité de son visage, de son corps, de toute sa beauté, affaiblissait son amour, ces doutes furent détruits, cet amour assuré quand il eut à la place pour base les données d’une esthétique certaine; sans compter que le baiser et la possession qui semblaient naturels et médiocres s’ils lui étaient accordés par une chair abîmée, venant couronner l’adoration d’une pièce de musée, lui parurent devoir être surnaturels et délicieux.
Et quand il était tenté de regretter que depuis des mois il ne fît plus que voir Odette, il se disait qu’il était raisonnable de donner beaucoup de son temps à un chef-d’œuvre inestimable, coulé pour une fois dans une matière différente et particulièrement savoureuse, en un exemplaire rarissime qu’il contemplait tantôt avec l’humilité, la spiritualité et le désintéressement d’un artiste, tantôt avec l’orgueil, l’égoïsme et la sensualité d’un collectionneur.
(tiré du roman « Du côté de chez Swann »)

Exercices de lexique
Remplissez la grille de vocabulaire avec les mots du texte :
  • languissant
  • affliger
  • maussade
  • susceptible
  • indulgent pardon
  • écheveau
  • intelligible
  • pis-aller (m)
  • s’imprégner de
  • abîmer

2. Trouvez dans le texte les équivalents français des phrases et expressions suivantes :
  • ... і необхідність (з тим, щоб довести, що вона гарна на личко) зосереджувати увагу на рожевих і свіжих вилицях, аби не бачити її щік, часто жовтих, змарнілих, іноді в червоних плямах, гнітила його...
  • Одетта стала біля Сванна, зронивши на щоки пасма розпущеного волосся і, зігнувши ногу, ніби збиралася танцювати, а насправді на те, щоб легше було нахилятися над гравюрою, яку вона розглядала своїми великими очима, такими змарнілими і хмурими, якщо ніщо їх не пожвавлювало...
  • Сванн завжди любив виявляти на полотнах давніх майстрів не лише загальну подібність із довкіллям, а й те, що зазнає узагальнення найменше: індивідуальні риси наших знайомих...
  • Сванн завжди шкодував, що ціле життя витрачає на одвідування світських салонів і, може, намагався знайти у великих митців виправдання для себе в тому, що й вони з утіхою споглядали і малювали такі обличчя, які надають їхнім картинам життєвости й справдешности...
  • ...нині личко її було для нього сплетом тонких і гарних ліній, які його погляд розмотував, стежачи за їхніми звоями, за стромом їх карку, за каскадом волосся і розкидом брів...
  • Він переконував себе, що Одетта пов’язується з його мріями про щастя не тому, що нема за неї кращої, як він досі думав, а тому, що вона цілком відповідала його витонченому художньому смаку.
  • ...і, звичайно, поцілунок і посідання, яке здалося б йому природним і пересічним, якби він домігся свого від жінки неапетитної, нині, коли вони мали увінчати його подив перед музейним шедевром, малювалися йому чимось надприродним і заласним.
  • ...який Сванн оглядав то покірним, одухотвореним і безкорисливим зором митця, то гордовитим, егоїстичним і хтивим поглядом колекціонера.

Étude du texte
Lecture méthodique
1. Étudiez le portrait d’Odette. Quelle impression laisse cette silhouette féminine ?
2. Résumez les explications que le narrateur donne au soulagement qu’éprouve Swann en se trouvant des excuses « à perdre son temps avec Odette ».
3. Étudiez la progression et les particularités de cet amour dont l’intéressé n’a pas encore conscience.
4. Comparez la vision de l’artiste et de collectionneur.
Pour le commentaire
1. Comment le narrateur décrit la vision de l’art de Swann, quel rôle joue-t-elle dans les relations avec Odette ?
2. Comment dans cet extrait est réalisée la conception de l’art de Proust ?

3.3. Temps 
Le mot «temps» est présent dans les titres et a deux significations principales:
·      temps perdu dans la vie mondaine (=passé, oublié) → la vie où l’on dort
·      temps retrouvé → le temps de l’éveil.
Le narrateur réfléchit longuement sur la notion du « temps » lorsque, dans le salon de princesse de Guérmantes, il découvre les effets du temps rongeur, il se demande s’il vivra assez pour élaborer son œuvre. L’écoulement de la durée est nécessaire à cette élaboration, parce qu’elle donne la perspective, rectifie les erreurs de la vision . Maîtriser le temps veut dire l’arrêter (la mort), ainsi l’âge devient éternel. De ce point de vue il est intéressant d’observer l’évolution de l’homme dans le temps.

Analyse des extraits :
TEXTE 3.3.1.  «La première apparition de Saint-Loup »

Une après-midi de grande chaleur, j'étais dans la salle à manger de l'hôtel qu'on avait laissée à demi dans l'obscurité pour la protéger du soleil en tirant des rideaux qu'il jaunissait et qui par leurs interstices laissaient clignoter le bleu de la mer, quand, dans la travée centrale qui allait de la plage à la route, je vis, grand, mince, le cou dégagé, la tête haute et fièrement portée, passer un jeune homme aux yeux pénétrants et dont la peau était aussi blonde et les cheveux aussi dorés que s'ils avaient absorbé tous les rayons du soleil. Vêtu d'une étoffe souple et blanchâtre comme je n'aurais jamais cru qu'un homme eût osé en porter, et dont la minceur n'évoquait pas moins que le frais de la salle à manger, la chaleur et le beau temps du dehors, il marchait vite. Ses yeux, de l'un desquels tombait à tout moment un monocle, étaient de la couleur de la mer. Chacun le regarda curieusement passer, on savait que ce jeune marquis de Saint-loup-en-Bray était célèbre pour son élégance. Tous les journaux avaient décrit le costume dans lequel il avait récemment servi de témoin au jeune duc d'Uzès, dans un duel. Il semblait que la qualité si particulière de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau, de sa tournure, qui l'eussent distingué au milieu d'une foule comme un filon précieux d'opale azurée et lumineuse, engainé dans une matière grossière, devait correspondre à une vie différente de celle des autres hommes. Et en conséquence, quand, avant la liaison dont Mme de Villeparisis se plaignait, les plus jolies femmes du grand monde se l'étaient disputé, sa présence, dans une plage par exemple, à côté de la beauté en renom à laquelle il faisait la cour, ne la mettait pas seulement tout à fait en vedette, mais attirait les regards autant sur lui que sur elle. A cause de son « chic », de son impertinence de jeune lion à cause de son extraordinaire beauté surtout, certains lui trouvaient même un air efféminé, mais sans le lui reprocher, car on savait combien il était viril et qu'il aimait passionnément les femmes. C'était ce neveu de Mme de Villeparisis duquel elle nous avait parlé. Je fus ravi de penser que j'allais le connaître pendant quelques semaines et sûr qu'il me donnerait toute son affection. Il traversa rapidement l'hôtel dans toute sa largeur, semblant poursuivre son monocle qui voltigeait devant lui comme un papillon. Il venait de la plage, et la mer qui remplissait jusqu'à mi-hauteur le vitrage du hall qui lui faisait un fond sur lequel il se détachait en pied, comme dans certains portraits ou des peintres prétendent, sans tricher en rien sur l'observation la plus exacte de la vie actuelle, mais en choisissant pour leur modèle un cadre approprié, pelouse de polo, de golf, champ de courses, pont de yacht, donner un équivalent moderne de ces toiles où les primitifs faisaient apparaître la figure humaine au premier plan d’un paysage.

(tiré du roman « A l’ombre des jeunes filles en fleurs »)

Exercices de lexique

1. Remplissez la grille de vocabulaire avec les mots du texte :
  • interstice (m)
  • pénétrant
  • impertinence (f)
  • viril
  • approprié
2. Trouvez dans le texte les équivalents français des phrases et expressions suivantes :
  • ... я сидів у присмерку їдальні, яку прикривали від сонця, обарвлюючи її на жовто і тільки де-де лишаючи блискітки морської синяви, фіранки...
  • ... я побачив... високого щуплявого молодика з голою шиєю, гордо піднесеною головою, гострими очима...
  • ... зовсім особливий колір чуба, очей, шкіри, особлива постава, завдяки чому його так само легко було б вирізнити в юрбі, як коштовну прожилку лазурового мінливого опалу в грубій породі...
  • Його „шик”, задерикуватість молодого „лева”, а головне, надзвичайна врода давали мені певні підстави твердити, що в ньому є щось жіноче, але хиби в цьому не бачили, бо його мужність і залюбливість були відомі всім.
  • ...море... творило йому тло, на якому він відбивався на весь зріст, як на портретах тих малярів, які, думаючи прилучитися до сучасності, обирають для своєї моделі властиві рамки...

3. Donnez le sens figuré des mots lion et papillon.

Étude du texte
Lecture méthodique
1. Relevez les termes qui appartiennent au champs lexical de la couleur, de la lumière. En quoi le portrait de Saint-Loup confirme-t-il les dires de Proust soulignant que nous prenons connaissance des visages «en peintres» ?
2. Étudiez les éléments qui établissent une étroite analogie entre l’être et le site où il apparaît.
3. Qu’apprenons-nous sur la personnalité de Saint-Loup (âge, milieu, activités...) ?Montrez comment l’auteur fait jouer ici au vêtement le rôle d’un code social et culturel ; ce portrait comporte même des indices sur l’évolution future du personnage.
4. Comment est souligné le côté exceptionnel du personnage ?

TEXTE 3.3.2.
 «Saint-Loup ou l’inverti honteux»

Il vint plusieurs fois à Tansonville pendant que j'y étais. Il était bien différent de ce que je l'avais connu. Sa vie ne l'avait pas épaissi, alenti, comme M. de Charlus, tout au contraire, mais opérant en lui un changement inverse, lui avait donné l'aspect désinvolte d'un officier de cavalerie - et bien qu'il eût donné sa démission au moment de son mariage - à un point qu'il n'avait jamais eu. Au fur et à mesure que M. de Charlus s'était alourdi, Robert (et sans doute il était infiniment plus jeune, mais on sentait qu'il ne ferait que se rapprocher davantage de cet idéal avec l'âge), comme certaines femmes qui sacrifient résolument leur visage à leur taille et à partir d'un certain moment ne quittent plus Marienbad (pensant que, ne pouvant garder à la fois plusieurs jeunesses, c'est encore celle de la tournure qui sera le plus capable de représenter les autres), était devenu plus élancé, plus rapide, effet contraire d'un même vice. Cette vélocité avait d'ailleurs diverses raisons psychologiques, la crainte d'être vu, le désir de ne pas sembler avoir cette crainte, la fébrilité qui naît du mécontentement de soi et de l'ennui. Il avait l'habitude d'aller dans certains mauvais lieux où, comme il aimait qu'on ne le vît ni entrer ni sortir, il s'engouffrait pour offrir aux regards malveillants de passants hypothétiques le moins de surface possible, comme on monte à l'assaut. Et cette allure de coup de vent lui était restée. Peut-être aussi schématisait-elle l'intrépidité apparente de quelqu'un qui veut montrer qu'il n'a pas peur et ne veut pas se donner le temps de penser. Pour être complet il faudrait faire entrer en ligne de compte le désir, plus il vieillissait, de paraître jeune, et même l'impatience de ces hommes toujours ennuyés. toujours blasés que sont les gens trop intelligents pour la vie relativement oisive qu'ils mènent et où leurs facultés ne se réalisent pas. [...]
Devenant - du moins durant cette phase fâcheuse - beaucoup plus sec, il ne faisait presque plus preuve vis-à-vis de ses amis, par exemple vis-à-vis de moi, d'aucune sensibilité.
 (tiré du roman « Le temps retrouvé»)

Étude du texte

Lecture méthodique
1. Relevez dans cet extrait l’antithèse comme structure. Pourquoi le narrateur fait le portrait en opposition ?
2. Comment est exprimé le rapport entre les changements physiques et ceux du comportement ?
3. Comment dans cet extrait est réalisé le thème du « temps perdu »?

Texte 3.3.3. « Dernières apparitions de Saint-Loup»

J'eus du reste l'occasion (pour anticiper un peu, puisque je suis encore à Tansonville) de l'y apercevoir une fois dans le monde, et de loin, où sa parole, malgré tout vivante et charmante, me permettait de retrouver le passé; je fus frappé combien il changeait. Il ressemblait de plus en plus à sa mère, la manière de sveltesse hautaine qu'il avait héritée d'elle et qu'elle avait parfaite, chez lui, grâce à l'éducation la plus accomplie, elle s'exagérait, se figeait; la pénétration du regard propre aux Guermantes lui donnait l'air d'inspecter tous les lieux au milieu desquels il passait, mais d'une façon quasi inconsciente, par une sorte d'habitude et de particularité animale. Même immobile la couleur qui était la sienne plus que de tous les Guermantes, d'être seulement l'ensoleillement d'une journée d'or devenu solide, lui donnait comme un plumage si étrange, faisait de lui une espèce si rare, si précieuse, qu'on aurait voulu le posséder pour une collection ornithologique ; mais quand, de plus cette lumière changée en oiseau se mettait en mouvement, en action, quand par exemple je voyais Robert de Saint-Loup entrer dans une soirée où j'étais, il avait des redressements de sa tête si soyeusement et fièrement huppée sous l'aigrette d'or de ses cheveux un peu déplumés, des mouvements de cou tellement plus souples, plus fiers et plus coquets que n'en ont les humains, que devant la curiosité et l'admiration moitié mondaine, moitié zoologique qu'il vous inspirait, on se demandait si c'était dans le faubourg Saint-Germain qu'on se trouvait ou au Jardin des Plantes, et si on regardait traverser un salon ou se promener dans sa cage un grand seigneur ou un oiseau. Pour peu qu'on y mît un peu d'imagination, le ramage ne se prêtait pas moins à cette interprétation que le plumage. Il commençait à dire des phrases qu'il croyait grand siècle et par là il imitait les manières de Guermantes. Mais un rien indéfinissable faisait qu'elles devenaient les manières de M. de Charlus.
(tiré du roman « Le temps retrouvé»)

Exercices de lexique

1. Remplissez la grille de vocabulaire avec les mots des textes 2 et 3 :
·      épaissir
·      alentir
·      désinvolte
·      vélocité (f)
·      s’engouffrer
·      intrépidité (f)
·      entrer en ligne de compte
·      blasé
·      oisif
·      au fur et au mesure
·      anticiper
·      sveltesse (f)
·      hautain
·      huppé
·      aigrette (f)
2. Trouvez dans les textes les antonymes des mots suivants :
  • modeste
  • sérieux
  • politesse
  • lâcheté
  • enthousiaste
  • occupé
  • retarder
  • efféminé
  • inadapté

3. Traduisez l’extrait « « Dernières apparitions de Saint-Loup» en ukrainien.

Étude du texte
Lecture méthodique
1. Relevez les comparaisons et les métaphores. A quel registre font-elles appel ? Étudiez plus précisément la métaphore filée de l’oiseau substitué à l’homme après avoir souligné les termes qui se rapportent au premier.
2. Comparez ce texte au portrait de la première apparition. Quels sont les éléments présents dans les deux descriptions qui donnent sa continuité au personnage, malgré les changements profonds ?

Pour le commentaire
1. Comment se transforme la personnalité de Robert de Saint-Loup à travers tous les extraits ?
2. Dans le roman « Du côté des Guérmantes » Proust écrit à propos de cette famille : « Race restée si particulière au milieu du monde, où elle ne se perd pas et où elle reste isolée dans sa gloire divinement ornithologique, car elle semble issue, aux âges de la mythologies, de l’union d’une déesse et d’un oiseau. » Saint-Loup, comment s’inscrit-il dans le milieu des Guérmantes ? Quelles particularités le distinguent comme le membre de cette famille ?
3. Peut-on considérer le personnage de Sain-Loup comme véritable type humain qui représente un aristocrate de l’époque ? Justifiez votre réponse.

Bilan
1. Vie et création artistique
 « Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l’infini et qui, bien des siècles après qu’est éteint le foyer dont il émanait, qu’il s’appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous envoient encore leur rayon spécial.
Ce travail de l’artiste, de chercher à apercevoir sous la matière, sous de l’expérience, sous des mots, quelque chose de différent, c’est exactement le travail inverse de celui que, à chaque minute, quand nous vivons détourné de nous-même, l’amour-propre, la passion, l’intelligence, et l’habitude aussi accomplissent en nous, quand elles amassent au-dessus de nos impressions vraies, pour nous les cacher entièrement, les nomenclatures, les buts pratiques que nous appelons faussement la vie ».
(tiré de « Le Temps retrouvé »)

3. Questionnaire de Proust
Le questionnaire de Proust est un test de personnalité devenu célèbre par les réponses qu'y a apporté Marcel Proust.

Questionnaire
Réponses de Proust vers 1890
Le principal trait de mon caractère.
Le besoin d'être aimé et, pour préciser, le besoin d'être caressé et gâté bien plus que le besoin d'être admiré.
La qualité que je désire chez un homme.
Des charmes féminins.
La qualité que je désire chez une femme.
Des vertus d'homme et la franchise dans la camaraderie.
Ce que j'apprécie le plus chez mes amis.
D'être tendre pour moi, si leur personne est assez exquise pour donner un grand prix à leur tendresse.
Mon principal défaut.
Ne pas savoir, ne pas pouvoir « vouloir ».
Mon occupation préférée.
Aimer.
Mon rêve de bonheur.
J'ai peur qu'il ne soit pas assez élevé, je n'ose pas le dire, j'ai peur de le détruire en le disant.
Quel serait mon plus grand malheur ?
Ne pas avoir connu ma mère ni ma grand-mère.
Ce que je voudrais être.
Moi, comme les gens que j'admire me voudraient.
Le pays où je désirerais vivre.
Celui où certaines choses que je voudrais se réaliseraient comme par un enchantement et où les tendresses seraient toujours partagées.
La couleur que je préfère.
La beauté n'est pas dans les couleurs, mais dans leur harmonie.
La fleur que j'aime.
La sienne- et après, toutes.
L'oiseau que je préfère.
L'hirondelle.
Mes auteurs favoris en prose.
Aujourd'hui Anatole France et Pierre Loti.
Mes poètes préférés.
Baudelaire et Alfred de Vigny.
Mes héros dans la fiction.
Hamlet.
Mes héroïnes favorites dans la fiction.
Bérénice.
Mes compositeurs préférés.
Beethoven, Wagner, Schumann.
Mes peintres favoris.
Léonard de Vinci, Rembrandt.
Mes héros dans la vie réelle.
M. Darlu, M. Boutroux.
Mes héroïnes dans l'histoire.
Cléopâtre.
Mes noms favoris.
Je n'en ai qu'un à la fois.
Ce que je déteste par-dessus tout.
Ce qu'il y a de mal en moi.
Caractères historiques que je méprise le plus.
Je ne suis pas assez instruit.
Le fait militaire que j'admire le plus.
Mon volontariat !
La réforme que j'estime le plus.

Le don de la nature que je voudrais avoir.
La volonté, et des séductions.
Comment j'aimerais mourir.
Meilleur - et aimé.
État présent de mon esprit.
L'ennui d'avoir pensé à moi pour répondre à toutes ces questions.
Fautes qui m'inspirent le plus d'indulgence.
Celles que je comprends.
Ma devise.
J'aurais trop peur qu'elle ne me porte malheur.




[1] Célèbre chapelle du Vatican. La figure de Zéphora (épouse de Moїse) se trouve sur l’une des fresques peintes par Boticelli.

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